La Chine est encore loin

Tout en faisant rŽfŽrence ˆ un hadith du Prophte qui commande d'aller chercher la connaissance "jusquĠen Chine", le titre du film annonce dŽjˆ un constat rŽservŽ voire pessimiste sur lĠacquisition de la connaissance en AlgŽrie. Pour interroger la transmission du savoir dans son pays, Malek Bensma•l a posŽ sa camŽra pendant une annŽe scolaire dans la classe de deux instituteurs Žpatants. Celui qui enseigne les matires gŽnŽrales en arabe et le prof de franais partagent avec Georges Lopez, l'instituteur de ĉtre et Avoir (Nicolas Philibert, 2002), la mme Žcoute, le mme dŽvouement pour leurs Žlves et la mme intransigeante dŽtermination ˆ incarner lĠautoritŽ du savoir quĠils ont ˆ transmettre ˆ leurs Žlves. Cependant, Malek Bensma•l va beaucoup plus loin que Philibert car il nĠhŽsite pas ˆ quitter les murs de lĠŽcole pour replacer la classe dans son environnement sociopolitique. Dans ses notes dĠintention, il pose une question en forme dĠaffirmation : "L'enfant n'est-il pas l'interrogateur idŽal et obsŽdant de notre Žpoque ?" Le sort rŽservŽ aux enfants est sžrement un rŽvŽlateur puissant de la forme de sociŽtŽ dans laquelle ils Žvoluent.

 

Ce faisant, Malek Bensma•l rŽalise un tableau convaincant de l'AlgŽrie d'aujourd'hui en transformant ce petit village chaoui des Aurs en un microcosme du pays tout entier. Certes nous sommes bien loin de la capitale, de ses embouteillages, de son insŽcuritŽ, mais Malek Bensma•l n'a pas choisi n'importe quelle Žcole : dans ses murs, enseignait le couple d'instituteurs Monnerot qui furent les premires victimes civiles de la guerre d'AlgŽrie, le 1er novembre 1954 avec le ca•d Hadj Sadok. Et chaque annŽe depuis l'indŽpendance, l'ŽvŽnement est cŽlŽbrŽ comme il se doit ˆ Ghassira que lĠhistoire officielle considre comme le "berceau de la RŽvolution".

 

Pour mener ˆ bien son projet ambitieux, Malek Bensma•l fait montre de beaucoup d'exigences esthŽtiques et Žthiques. Il refuse le recours ˆ une voix off explicative. Il n'utilise pas de fil directeur car forcŽment simplificateur. Enfin, une durŽe significative, 120 min, lui permet de laisser sourdre des bouts de rŽel, de rŽvŽler des traces fugitives de la rŽalitŽ algŽrienne. Le rŽalisateur se fait totalement discret pour laisser la parole ˆ ses personnages, pour ne pas s'immiscer entre eux et les spectateurs : Malek Bensma•l ou l'anti Michael Moore! Mais ses choix radicaux le condamnent ˆ un public forcŽment extrmement restreint. 

 

Gr‰ce ˆ son travail sans concession, son film nous restitue le quotidien de ses enfants trs pauvres qui n'est pourtant jamais misŽrable. Le regard de Bensma•l ne s'apitoie pas : il est trop respectueux pour cela. Les petits Žcoliers disent aussi leurs rves : ils se voient volontiers en journaliste (ˆ la tŽlŽvision) ou en "docteur" alors quĠils Žprouvent de grosses difficultŽs dĠapprentissage. Il faut Žvidemment prŽciser que lĠenseignement sĠeffectue dans deux langues, lĠarabe et le franais, que les enfants ne pratiquent pas dans leur vie quotidienne puisquĠils parlent et entendent le chaoui (le dialecte berbre des Aurs) voire lĠarabe dialectal algŽrien. Sans discours, Malek Bensma•l pose ainsi la problŽmatique des langues qui se situe au cÏur ˆ la fois du processus de construction nationale (il a fallu attendre le 8 avril 2002 et de nombreuses luttes pour que le Parlement algŽrien reconnaisse le tamazight "comme langue nationale ˆ c™tŽ de l'arabe") et, en toute logique idŽologique, de lĠŽlaboration des programmes de lĠenseignement obligatoire.

 

Malek Bensma•l aborde Žgalement la question extrmement sensible de la mŽmoire nationale, de sa transmission et de son utilisation ˆ des fins politiques. En AlgŽrie singulirement, l'instrumentalisation de la mŽmoire est l'objet de conflits dans la mesure o elle confre une vŽritable rente. En effet, depuis l'indŽpendance, la lŽgitimitŽ ˆ exercer le pouvoir se fonde exclusivement sur la lutte d'indŽpendance ; ˆ tel point qu'aujourd'hui, se pose, sŽrieusement ˆ travers tribunes et pŽtitions dans les journaux, la question de la transmission de l'hŽritage au sens patrimonial du terme : les enfants de chouhada ou des anciens moudjahidines qui sont appelŽs ˆ dispara”tre les uns aprs les autres, voire leurs petits-enfants, leurs nices et leurs neveux, demandent ˆ bŽnŽficier des mmes droits que leurs ascendants. Comme le pouvoir signifie Žgalement la capacitŽ d'accaparer la richesse du pays, c'est-ˆ-dire concrtement de dŽtourner la rente pŽtrolire, la mŽmoire constitue le site dŽcisif des luttes politiques en AlgŽrie. Ainsi aux deux bouts du spectre politique, le discours de lŽgitimation prŽtend incarner lĠesprit de la rŽvolution. Les islamistes accusent le pouvoir dĠtre le prolongement du parti de la France. Les dŽmocrates revendiquent lĠhŽritage dĠune rŽvolution dŽmocratique et sociale : "Nous sommes le prolongement naturel du mouvement national" dŽclarait Karim Tabbou, 1er secrŽtaire national du FFS, ˆ Ifri o il sĠŽtait rendu pour cŽlŽbrer le 54me anniversaire du Congrs de la Soummam[1].

 

Au dŽtour d'une sŽquence trs forte au monument ˆ la gloire de la RŽvolution, une dispute oppose le reprŽsentant de la mŽmoire officielle ˆ ceux qui suggrent qu'il pourrait exister une version diffŽrente. Scandale et protestations vŽhŽmentes ! LĠhistoire est une et indivisible comme la RŽpublique algŽrienne ! Quels sont donc les vŽritables participants au dŽclenchement de l'insurrection? Le film ne tranche pas : toujours le mme respect de lĠintelligence du spectateur. Mais, plus tard dans le rŽcit, le spectateur aura l'occasion dĠentendre un autre tŽmoin quĠil a bien aperu lors de la commŽmoration mais parmi la foule et non parmi les officiels. Ce tŽmoin se prŽsente comme l'auteur des coups de feu qui ont cožtŽ la vie ˆ Guy Monnerot. Pourquoi a-t-il ŽtŽ ŽcartŽ des cŽrŽmonies ? Pourquoi a-t-il ŽtŽ effacŽ de la mŽmoire officielle ? Sans commentaire, nous n'en saurons rien. Mais sa seule prŽsence dit lĠexistence potentielle dĠun dŽtournement ou dĠune contrefaon de lĠhistoire. AppelŽ ˆ sĠexprimer sur cet ŽvŽnement fondateur, ce vieux monsieur jure devant la camŽra que ce fut un accident et quĠil regrette jusquĠˆ aujourdĠhui dĠavoir tuŽ un ma”tre dĠŽcole car "il conna”t la Loi". Dont acte ! Au moment du dŽclenchement des "ŽvŽnements dĠAlgŽrie", lĠassassinat dĠun instituteur comme acte inaugural avait ŽtŽ judicieusement instrumentalisŽ par la propagande franaise contre le FLN pour le rŽduire ˆ un mouvement obscurantiste et rŽtrograde. Enfin, cette loi qui interdit de tuer un ma”tre dĠŽcole est pourtant aujourdĠhui couramment bafouŽe par les talibans en Afghanistan ou ailleurs qui Žgorgent, au nom dĠAllah, des instituteurs au prŽtexte quĠils osent enseigner ˆ des filles. Mais, il est vrai que lĠislam traditionnel au Maghreb est bien ŽloignŽ de celui que veulent imposer au monde les diverses formes de wahhabisme.   

 

Le spectateur entendra Žgalement les anciens Žlves du couple Monnerot. Revenus dans leur classe et devenus de vieux messieurs, ils Žvoquent, en prŽsence des instituteurs d'aujourd'hui, leurs instituteurs de lĠŽpoque coloniale. Avec une grande Žmotion, ils se souviennent qu'ils ont pleurŽ en apprenant la mort de leur instituteur car "Il nous transmettait un savoir". Du couple, ils tracent un portrait conforme ˆ lĠimaginaire rŽpublicain : elle maternante et lui sŽvre mais juste et nĠhŽsitant pas ˆ avoir recours aux ch‰timents corporels. LĠombre du hussard noir, voire du saint la•que resurgit dĠun passŽ rŽvolu. LĠŽcole de la RŽpublique a laissŽ un beau souvenir ˆ Ghassira et ailleurs, comme le note Abderrahim Sekfali :

"Ë cet Žgard n'est-il pas assez surprenant dans l'AlgŽrie d'aujourd'hui d'entendre ici et lˆ les nombreux Žloges des anciens Žlves qui clament tout haut le sŽrieux et l'efficacitŽ de ces enseignants originaires de tous les horizons. Ils ont laissŽ des souvenirs indŽlŽbiles dans les mŽmoires, et l'on assiste encore ˆ des scnes Žmouvantes lors de rencontres entre anciens ma”tres et anciens Žlves. En tŽmoigne aussi leur correspondance qui confirme amplement cette rŽalitŽ. "[2]

Suit alors un Žchange passionnant entre le ma”tre chargŽ d'enseigner le programme d'histoire qui ressemble fort ˆ du catŽchisme et ces modestes tŽmoins de l'histoire qui sont si peu entendus en AlgŽrie. LĠŽchange porte sur les fonctions remplies par la langue franaise dans le processus colonial. Devenu hadj, un de ces Žlves, rappelle que le Mouadeb de la madrasa[3] avait demandŽ ˆ son pre de ne pas l'inscrire ˆ l'Žcole des Franais afin quĠil nĠy apprenne pas le langage des colons et que son pre avait refusŽ en arguant qu' "un homme doit apprendre toutes les langues". Et finalement, apprendre le franais ne lĠa pas empchŽ de respecter les cinq piliers de lĠislam et de vivre en bon algŽrienÉ Toute la complexitŽ de la colonisation est restituŽe ˆ travers cette question centrale de la langue et, au-delˆ, celle de la relation entre savoir, connaissances et domination.

 

Bien sžr, l'instituteur d'aujourd'hui a raison de stigmatiser le pouvoir colonial parce qu'il ne scolarisait qu'une fraction infime de la population indigne (dĠaprs le recensement de 1954, seulement 13,7% des musulmans ‰gŽs de plus de 10 ans savaient lire et Žcrire, et parmi eux 55 % Žtaient lettrŽs en franais, 25 % en arabe, et 20 % dans les deux langues), population qu'il maintenait ainsi dans l'analphabŽtisme et donc sous domination. Mais, lĠinstituteur dĠaujourdĠhui reproche Žgalement ˆ ses collgues dĠhier qui n'Žtaient pas tous Franais[4] loin sĠen faut, d'avoir fait Ïuvre d'acculturation en enseignant la langue de l'ennemi ce qui est effectif Žgalement... Par ailleurs sur le terrain, les instituteurs devaient affronter l'hostilitŽ de certains petits-blancs pour Žtendre l'Žducation aux  indignes quand, ˆ Alger ou ˆ Paris, leur tutelle avait ˆ combattre lĠhostilitŽ du grand colonat qui percevait lĠŽducation pour tous comme une menace. Dans le dŽveloppement de lĠenseignement indigne au dŽbut du XXe sicle, Georges Hardy (gouverneur gŽnŽral de lĠAOF) pouvait dŽplorer que : "LĠesprit colon, est un des obstacles les plus difficiles ˆ surmonter, le plus vieil ennemi."[5]

 

De fait, la rŽalitŽ devait donner raison ˆ lĠesprit colon car les principes de la RŽpublique bafouŽs quotidiennement en AlgŽrie mais enseignŽs dans ses Žcoles ont servi de ferment ˆ la lutte pour l'Žmancipation et finalement lĠindŽpendance. Cependant, ces principes entraient en contradiction avec ceux appris par cÏur dans les madrasas dĠo une convergence certaine entre lĠesprit colon et les ulŽmas dans lĠhostilitŽ envers lĠŽcole de la RŽpublique.

 

Au-delˆ de ce passŽ mythifiŽ et de ces questions Žminemment politiques, Malek Bensma•l capte Žgalement, au-delˆ des murs de l'Žcole, le quotidien de ce pauvre village avec tendresse et acuitŽ. Comme partout dans le monde o cela est encore possible, les plus dŽlurŽs des gamins font l'Žcole buissonnire pour fumer des cigarettes en cachette dans leur repaire, un tunnel o sĠŽcoule un filet dĠeau. Les petits Žcoliers algŽriens ressemblent, en ce sens, ˆ leurs homologues du monde entier. Mais nous sommes en AlgŽrie. Alors, comme les jours passent, Sarah, la bonne Žlve du premier rang, appara”t un matin, les cheveux cachŽs sous un foulard bleu. Deux frres font tra”ner leur devoir du soir dans l'espoir d'Žviter l'Žcole coranique ; peine perdue, leur pre qui n'est pas dupe, les y envoie sans plus tarder. Avec l'uniforme du salafiste et lĠallure sŽvre qui va avec, le ma”tre fait rŽpŽter par cÏur le texte saint ˆ ses ouailles : ˆ quoi bon comprendre? Cependant, des petites filles prennent un plaisir Žvident ˆ rŽciter les sourates ˆ tue-tte.

 

Personnage important dans le film, le forgeron peste contre son fils qui a ratŽ ses Žtudes et le prend en apprentissage car il devra assurer la retraite de ses parents (lĠEtat dŽfaillant nĠest pas en mesure dĠassurer la solidaritŽ entre les gŽnŽrations). Cet entrepreneur dynamique rve de dŽveloppement gr‰ce ˆ des investissements dans le tourisme pour exploiter la beautŽ sauvage des paysages et des vestiges archŽologiques des Aurs. Pour autant, comme sa belle petite fille Žprouve des difficultŽs en classe, il consulte un fkaih, un homme qui possde le savoir saint et qui prescrit pour soigner sa fille des hrouz, des amulettes ˆ boire. Le maraboutisme est toujours vivant, signe que les salafistes nĠont pas encore compltement gagnŽ ces campagnes reculŽes.

 

Un vieux monsieur aux cheveux blancs amoureux de cette belle rŽgion, le Rouffi, n'arrte pas de pester contre l'impŽritie des autoritŽs et la corruption qui dŽtruisent le pays. Messaoud est surnommŽ "l'EmigrŽ" par les autres habitants parce quĠil a disparu pendant la guerre civile des annŽes 90 : a-t-il pris du champ pour Žchapper aux couteaux des islamistes ou ˆ la rŽpression du pouvoir ? Encore une question sans rŽponse mais la violence de ses propos doivent lui valoir la haine des deux camps. Messaoud entretient les poteries anciennes que lui a lŽguŽes sa mre et qui tŽmoignent d'un savoir-faire perdu. Seuls vestiges dĠune culture chaouie disparue, ces poteries sont souvent en morceaux et doivent tre recollŽes ˆ lĠimage de la culture en AlgŽrie et pas simplement berbre. Car dans la mesure o la culture permet de donner du sens au monde et de gŽnŽrer du lien social, cĠest bien une grande crise culturelle qui est Žgalement ˆ lĠorigine de la terrible guerre quĠa connue lĠAlgŽrie ˆ la fin du sicle. Sur un mur chez lui, on peut apercevoir fugitivement une affiche du FFS, le Front des Forces Socialistes, avec une photographie de Hocine A•t Ahmed, son leader historique. C'est lĠunique allusion directe et fort discrte au politique dans tout le film comme si Malek Bensma•l ne voulait pas rŽduire son propos ˆ un discours partisan.

 

La seule femme prŽsente ˆ l'Žcran fait le mŽnage ˆ l'Žcole lorsque les enfants sont partis. Rachida appara”t plusieurs fois dans le film : comme une ombre, toujours silencieuse, ˆ son ouvrage. Le spectateur se demande les raisons de sa prŽsence, pourquoi la camŽra capte son travail. Et, c'est prŽcisŽment elle que Malek Bensma•l choisit pour conclure son film en lui donnant la parole ˆ sa demande[6] : Žcriture narrative ma”trisŽe mise au service dĠun bel hommage ˆ la femme. Sa parole lui permet de dire la misre affective qui est la sienne et que nombre de ses sÏurs au Maghreb partagent avec elle: "Jamais, jamais je nĠai connu de tendresse. Ni celle des parents, ni celle de mes enfants, ni celle de lĠŽpouxÉ Je nĠai jamais connu un seul jour de joie." Et le spectateur la croie aisŽment. VŽritable peste Žmotionnelle qui frappe les femmes mais aussi les hommes bien Žvidemment, cette misre affective et sexuelle gangrne tout le pays et fait le lit du fascisme islamiste dĠo le zle de ses thurifŽraires ˆ faire respecter leurs diffŽrents interdits.

 

Rachida raconte le combat qu'elle a du mener contre ceux qui l'entourent pour pouvoir travailler, assurer son indŽpendance et Žchapper ainsi ˆ son statut dĠŽternelle mineure que lui assigne le code de la famille. Du reste, elle est la seule que le spectateur pourra apercevoir dans lĠespace public : les autres femmes sont clo”trŽes dans des habitations dŽpourvues de toute ouverture sur lĠextŽrieur[7]. Mais Rachida a rŽussi et cette victoire lui permet de rŽ-affirmer sa fiertŽ d'tre humain ; aprs tout, le rappelle-t-elle, Amazight signifie homme libre. Elle n'a pas besoin de prŽciser qu'elle est persuadŽe que cela vaut aussi pour elle.

 

L'annŽe est terminŽe. Les enfants et leurs ma”tres peuvent aller savourer une journŽe ˆ la plage. Les petits garons plongent dans la MŽditerranŽe, s'amusent dans les vagues, s'Žclaboussent. Interdites de baignade, toutes habillŽes, le voile sur la tte, les petites filles jouent au soleil, sagement entre elles en attendant, sans le savoir, la prochaine rŽvolution qui les libŽrera de leur carcan... Sur la plage, un cargo ŽchouŽ rouille, domine de sa masse les enfants et occupe une grande partie du plan. Cette image a ŽtŽ choisie pour lĠaffiche. Est-ce une mŽtaphore sur lĠAlgŽrie qui nous est ainsi proposŽe ? Dans lĠaffirmative, ˆ lĠimage du film, sa signification reste ouverte : le pays ensablŽ, lĠimpossibilitŽ de le quitter ? 

 

Ce grand film qui dit une part de la complexitŽ de l'AlgŽrie (et du monde) Žprouve bien du mal ˆ rencontrer mme un public exigeant. Il convient, par consŽquent, de l'accompagner pour faire Ïuvre de pŽdagogie ne serait-ce que pour respecter les dires du prophte et faire en sorte que la Chine se rapproche...

Jean-Marie Tixier, in LĠenfant, le droit et le cinŽma, Presses Universitaires de Rennes, 2012 pp.183 ˆ 188.



[1] - "Le pouvoir essaye, avec tous ses services et structures, d'empcher la pŽrennitŽ d'un projet portŽ par des hommes et des femmes qui ont donnŽ leur vie pour la construction d'un Etat dŽmocratique et social." El Watan, dimanche 22 aožt 2010.

[2] - Abderrahim Sekfali, "Instituteurs et mŽdersiens en AlgŽrie coloniale", colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l'histoire franco-algŽrienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3?id_article=254.

[3] - LĠenseignant de la madrasa cumulait souvent son r™le avec celui dĠimam.

[4] - Dans lĠenseignement B rŽservŽ aux indignes jusquĠˆ lĠabrogation des deux filires en 1949, une grande partie des enseignants Žtaient algŽriens. Je pense bien sžr au Fils du Pauvre, Mouloud Feraoun que lĠOAS a assassinŽ le 15 mars 1962.  Que William Hassan soit associŽ ˆ ce souvenir ! Moins connu, il fut assassinŽ ˆ Oran le 16 fŽvrier dans sa classe et devant ses Žlves parce quĠil Žtait forcŽment, en tant quĠŽlu du SNI, un ennemi ˆ abattre pour les tueurs de lĠOAS. Instituteur ayant choisi lĠenseignement B ˆ son arrivŽe en AlgŽrie, mon pre a eu plus de chance. Ami proche de William Hassan et Žlu comme lui du SNI, il Žtait Žgalement ˆ ce titre condamnŽ ˆ mort par lĠOAS mais lorsque les tueurs se sont prŽsentŽs ˆ son Žcole, ils se sont trompŽs et ont abattu le concierge. Tragique mŽprise ! Symboliquement, la guerre dĠAlgŽrie peut tre bornŽe par la mort dĠinstituteurs : le premier tuŽ par le FLN et les seconds par lĠOAS.

[5] - Georges Hardy, Une conqute morale, lĠenseignement en AOF, Paris, Colin, 1917, p. 31. CitŽ par Linda Lehmil, Ç LĠŽdification dĠun enseignement pour les indignes : Madagascar et lĠAlgŽrie dans lĠEmpire franais È, Labyrinthe, 24 | 2006.

[6] - Selon Malek Bensma•l : ÇVers la fin du tournage, elle est venue me voir et elle mĠa dit : "Je tĠai bien observŽ. Voilˆ, je suis prte, tu peux mĠenregistrer. Je veux bien parler mais il ne faut pas filmer mon visage pendant que je parle."È CitŽ par Christophe Ayad, Sale air de misre ˆ Ghassira, in LibŽration du 28 avril 2010.

[7] - "Murs aveugles, portes de bois ouvrant sur un long couloir Žtroit qui se termine par un angle, de manire ˆ mettre ˆ lĠabri de tout regard Žtranger une cour intŽrieure carrŽe, ˆ ciel ouvert, pavŽe de dalles de pierre et bordŽe de pices carrŽes, avec des ouvertures Žtroites, masquŽes le jour par des rideaux et sur lesquelles se referment des portes, la nuit, pour un semblant dĠintimitŽ." Ma•ssa Bey, La Gifle, in LĠAlgŽrie des deux rives, nouvelles de guerre, Mille et une nuits, 2003, p.21.